Critique : « Haut et bas : John Galliano »

Critique : « Haut et bas : John Galliano »


Quelles fautes morales le génie doit-il être autorisé ? John Galliano, soi-disant mauvais garçon de la mode, semblait déterminé à le découvrir.

C’était un Icare du monde de la mode : un talent prodigieux qui s’est envolé, puis s’est écrasé sur terre en 2011, perdant sa réputation et sa position de directeur créatif de Dior, après une série de hauts faits. rendu public tirades ivres, racistes et antisémites. Il se relèverait, mais le chemin du retour était raide.

Le bien intitulé « High & Low : John Galliano », réalisé par Kevin Macdonald, raconte les montagnes russes d’une carrière, tout en exposant certains des côtés les moins beaux de l’industrie de la mode – le tribut qu’elle impose, même à ceux qu’elle glorifie le plus.

M. Galliano s’est révélé très tôt un génie en concevant non seulement des vêtements, mais aussi des visions hallucinogènes, pleines de couleurs, de mouvements, de textures et, surtout, d’histoires. Sorti de la St. Martin’s School of Art de Londres en 1984, il a produit une éblouissante collection de fin d’études intitulée « Les Incroyables », inspirée d’un mouvement de mode français du XVIIIe siècle. Dans le film, le célèbre journaliste de mode Hamish Bowles le considère comme l’un des cinq plus grands défilés qu’il ait jamais vu.

L’étoile de M. Galliano s’est rapidement élevée. Il a attiré des bailleurs de fonds, des éditeurs clés (André Leon Talley et Anna Wintour l’ont oint), un entourage discret qui présentait Amanda Harlech comme sa muse personnelle et une bande de glamazons des années 90 dont le nom était Naomi, Linda, Kate. Après un passage chez Givenchy, M. Galliano est monté chez Dior, l’une des maisons de luxe les plus historiques de France.

Entre les mains de M. Galliano, la mode s’est transformée en univers alternatifs. Pour une collection Dior, il a réinventé l’Égypte ancienne, en imaginant des robes pyramidales dorées, du maquillage incrusté de pierres précieuses, des coiffes de chacal, des masques de Néfertiti et de Toutankhamon. Il cueillait des motifs partout avec gaieté et irrévérence.

Chaque collection se déroule comme un théâtre ou un film expérimental, avec des touches étranges et discordantes qui rappellent Bunraku ou Dada. M. Galliano a mis des arbres dans les cheveux des mannequins. Il leur a demandé de jeter des maquereaux morts dans le public. Tout était beau. Rien n’était sacré.

Pour son spectacle « clochard » (ou « hobo »), en 2000, M. Galliano s’est inspiré, dit-il, des sans-abri qu’il a vus en faisant son jogging le long de la Seine. La collection comprenait des vêtements ressemblant à des piles de journaux et des accessoires fabriqués à partir d’objets trouvés, comme des bouteilles de whisky. Le spectacle a déclenché des manifestations massives et des accusations de cruelle indifférence aux problèmes sociaux, qui n’ont fait que dérouter M. Galliano. Il pensait simplement que les vêtements étaient beaux, dit-il.

Dans le documentaire, les mannequins Kate Moss et Amber Valletta rappellent l’approche du metteur en scène de M. Galliano et ses instructions de s’imaginer comme des princesses de contes fuyant le danger. Le thème le plus récurrent était « l’évasion ».

M. Galliano fuyait lui aussi un passé douloureux, des démons intérieurs. Lui aussi cherchait l’évasion en jouant des personnages. «John Galliano», le chouchou du beau monde international, était en réalité l’invention du garçon né Juan Carlos Galliano-Gallien, de parents ouvriers de Gibraltar. Conscient d’être gay dès sa petite enfance, il a gardé sa sexualité secrète auprès de sa famille catholique stricte, en particulier de son père désapprobateur qui pouvait être violent. Juan Carlos s’est réfugié dans le faux-semblant et le dessin. «C’était plus agréable dans ma tête», explique M. Galliano.

Finalement, les images dans sa tête ont pris vie en trois dimensions grâce à la mode, et M. Galliano a développé son personnage de plus en plus extravagant. Il s’habillait de costumes : en pirate, en marin, en astronaute ou en empereur — affectant un bicorne napoléonien. Le réalisateur de « High & Low », M. Macdonald, souligne à la fois la vie cinématographique de M. Galliano et son penchant pour Napoléon (ce que M. Galliano nie) en ponctuant le documentaire avec des extraits de « Napoléon », le film muet d’Abel Gance de 1927.

Les clips ont une touche étrange, consciemment d’auteur, et apparaissent avec peu d’explications. Pourtant, l’implication est claire : comme M. Galliano, Napoléon était un étranger victime d’intimidation (de la province française de Corse), dont l’énorme ambition lui a donné le monde mais l’a finalement conduit à la défaite et à l’exil. M. Macdonald intègre également des extraits (inexpliqués) du classique de 1948, « The Red Shoes », dans lequel une ballerine douée est forcée, par des pointes enchantées, de danser jusqu’à la mort. M. Macdonald semble voir des nuances de ce danseur frénétique chez M. Galliano.

Le documentaire révèle beaucoup de choses sur la vie frénétique de M. Galliano : les demandes de collectes toujours plus nombreuses (jusqu’à 32 par an), les excès qui l’isolaient de la réalité (M. Galliano se souvient de six personnes qui l’aidaient à allumer une cigarette), les pilules et l’alcool. et le chagrin provoqué par la mort de son ami le plus proche et assistant, Steven Robinson, à 38 ans, un homme qui avait pratiquement abandonné sa propre vie pour servir M. Galliano.

De telles pressions ont précédé les désormais célèbres crises d’ivresse de M. Galliano dans un bar parisien. “Vous êtes si laids. Je ne veux pas vous voir », a-t-il dit à une femme, utilisant un langage antisémite et insultant ses vêtements et son corps. Lors d’un deuxième incident, M. Galliano a déclaré : « J’aime Hitler », ajoutant : « Des gens comme vous seraient morts aujourd’hui. »

Aujourd’hui, M. Galliano, désormais sobre, attribue ces épisodes à la drogue et à l’alcool, affirmant n’en avoir aucun souvenir. Il a traversé un procès, est allé en cure de désintoxication et a rencontré des rabbins.

M. Galliano semble contrit. Le film semble suggérer que tout devrait être pardonné, même s’il démontre le curieux oubli de son sujet pour les questions sociales et politiques, et son mépris joyeux pour la souffrance de ses proches collaborateurs comme M. Robinson. Mais cela soulève également des questions troublantes qui vont au-delà de l’histoire d’un seul homme.

Les insultes particulières de M. Galliano liaient l’appartenance ethnique et la race aux questions d’apparence et d’appartenance. Il a proposé des jugements sur qui est beau et qui ne l’est pas. Qui méritait de vivre et qui ne le méritait pas. Ces tirades étaient racistes, certes, mais elles rappelaient aussi certains des jugements qui préoccupent la mode, avec son habitude de légiférer sur ce qui, ou qui, est dedans ou dehors. La mode, le refuge exquis qui a accueilli l’ancien enfant victime d’intimidation, le lieu qui a réalisé ses rêves et nourri son talent, est aussi le lieu qui l’a conduit à l’autodestruction, un lieu de revendications voraces et incessantes pour la jeunesse, le statut, l’argent et , surtout la beauté.



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